Ferdinand Hodler, Tête de lansquenet, vers 1918 | Ville de Carouge

Ferdinand Hodler, Tête de lansquenet, vers 1918

Dernière mise à jour: 05.05.2021
Un des trésors du Musée de Carouge.

Un texte de Daniel de Roulet, écrivain genevois qui nous fait partager son coup de coeur choisi dans les collections du Musée de Carouge.

« Ce portrait représente un ami de Ferdinand Hodler (1853-1918), le commissaire de police Félix Vibert (1830-1923). Hodler peinait à peindre la bataille de Morat que le Musée national suisse de Zurich lui avait commandée. Jusqu’au jour où ce flic de Carouge lui a rendu un fier service. Voici comment Hodler a lui-même raconté l’histoire :

Il fallait bien qu’au moins pour l’un de ces guerriers, je puisse exprimer sa rage folle et impitoyable. Mais je ne trouvais ni le personnage ni son attitude et sentais que, si je n’y parvenais pas, toute ma composition serait molle et terne. Or, une nuit, j’ai rêvé que je voyais notre ami Félix sur le trottoir d’en face. Il était vêtu en guerrier du XVe siècle avec une longue épée. D’une voix forte, il faisait taire la foule qui ne l’écoutait pas. Alors, je l’ai vu sortir son épée, prendre son élan et se précipiter avec une force bestiale contre la foule. J’ai vu clairement son visage s’empourprer et se déformer terriblement. Je l’ai entendu hurler comme un  taureau blessé, j’ai vu son épée s’enfoncer dans la figure de son premier adversaire, oui, j’ai entendu le crânecrisser, puis se briser. J’ai vu le sang gicler et couler le long de l’épée et je me suis réveillé. L’impression en moi était si puissante et vivante que j’ai tout de suite allumé pour pouvoir esquisser la scène, comme si je l’avais encore devant moi. J’avais ce que je voulais, c’est ça que je cherchais.

Ainsi, parfois, il suffit à celui qui cherche à peindre ou à écrire une scène de l’avoir vue en rêve… grâce à un commissaire de police. »

 

Ferdinand Hodler, Tête de lansquenet, vers 1918, lithographie en couleurs sur papier blanc, probablement une affiche d’exposition de la Galerie Max Moos à Genève, avant la lettre. © Musée de Carouge.