Cette toile de 1959 dégage une calme douceur. Elle est aussi saisissante. Cette représentation d’une quarantenaire posée, au sourire discret, produit en effet une vive impression. Mesurant 1 mètre de haut et 54 centimètres de large, elle offre une image, à taille réelle (vraisemblablement), de son auteure : Hanni Saracchi-Schweizer, également appelée Jeanne Saracchi.
Son parcours est singulier. Après une formation de dessinatrice en textile à l’École des arts et métiers de Zurich, où elle naît en 1918, cette enfant d’avocat se rend à Paris, en 1939, pour étudier à l’Alliance française. Elle suit parallèlement les cours du peintre Eugène-Robert Poughéon, figure importante des beaux-arts dans la capitale. La jeune femme exerce ensuite le métier de dessinatrice pour une manufacture de tapis dans la localité bernoise de Melchnau, jusqu’en 1943. L’année suivante, elle se marie avec Richard Saracchi à Lancy et s’établit dans le canton de Genève, où elle décède en juin 2011. Installée à Pinchat dès 1952, elle puise ses sujets dans son environnement. Elle soumet régulièrement des œuvres aux concours de la Palette carougeoise, association qu’elle intègre en 1956.
Durant l’hiver 1977-1978, lors de l’exposition Auto-portrait ?, conçue par l’organisation d’artistes genevoise CARAR, cette toile de Saracchi est exposée au Musée Rath. Offerte par l’artiste, elle intègre les collections du Musée de Carouge en décembre 2005, au terme de la rétrospective que lui consacre la Galerie carougeoise Delafontaine.
Dans cet Autoportrait, la position du corps, légèrement de biais, suggère une retenue. Cette petite distance confère une assise à cette femme, elle pourrait être une marque de pudeur. Le traitement de la lumière et des volumes, ainsi que les touches de pinceau apparentes, donnent de l’épaisseur à cette peinture à l’huile. S’y retrouvent le bleu violacé et le rose chaleureux qu’affectionne l’artiste, ce dont témoignent les paysages de la campagne genevoise et les scènes carougeoises (montrant le marché ou son jardin), réalisés entre 1953 et 1984, qui sont aujourd’hui conservés au Musée. En revanche, le vert, très présent dans les vues d’extérieur, est absent ; le fond beige renvoie à l’intimité d’un intérieur. Quant au cadrage de trois-quarts, qui rappelle le portrait photographique, il met valeur le visage ainsi que les mains de Saracchi. Si elles sont travaillées avec soin, elles ne font l’objet d’aucune mise en scène. Ce n’est pas l’autoportrait d’une peintre au travail, mais celui d’une femme. Une femme qui semble s’interroger elle-même, autant que son regard interpelle celles et ceux qui la regardent.
Hanni Saracchi, Autoportrait, 1959, Huile sur toile. © Christian Golay, Musée de Carouge.